Un SMS pour combler le vide... ou un SMS pour un grand Yes !
13h. Issy-les-Moulineaux. Une proche banlieue de Paris où les entreprises poussent comme du béton francilien. A deux pas du bureau de ma femme, un petit restaurant sans charme mais où le temps n'y est pas compté (j'adore improviser quelquefois un déjeuner avec ma blonde juste pour la voir dans la journée). L'accueil y est souriant et quelques traces de farine blanche détonnent sur la peau tannée de la jeune serveuse qui doit être au four et au moulin ici : service, pizzas et caisse...
En toute simplicité, nous optons pour une hawaienne et une parme. La pâte est fine et nous nous régalons de cette gastronomie devenue mondiale.
Les sms et surfs sur internet ont-ils remplacé à l'école
le foot, les billes, les échanges de secrets entre filles
dans le creu de l'oreille et les cigarettes en cachette
sous l'oeil complice des guetteuses de surveilantes ?
Assis l'un en face de l'autre à une table pour deux, à l'intérieur du resto' contre la vitrine, nous échangeons sur un projet important qui semble se profiler... Ses beaux yeux d'automne (vert et noisette) reflètent mon propre visage, marqué encore un peu par le casque souvent trop serré de mon scooter trois roues.
Envies communes, questions sur nos priorités respectives, qui sont les mêmes, main sur la main comme dans une comédie sentimentale avec Meg Ryan (sans la sauce séparée, la simulation d'orgasme en public et le cadre romantique)... Sans distance non plus. Son Eau des merveilles parfume notre bulle avec douceur et féminité. Elle me sourit. J'adore quand elle me sourit de cette manière, en esquissant dans ces lèvres légèrement relevées la pointe de gentillesse, de grâce et d'amour qu'elle laisse discrètes mais qui m'ont dès le premier jour attiré vers elle pour une promesse de vie entière. Les appétissantes odeurs de nos plats précèdent une présentation simple et sans prétention. Nous nous jetons sur l'huile piquante et entamons la découpe, chacun selon son style bien personnel : d'abord en quatre puis presque en quadrillé pour elle tandis que j'enchaîne les parts en faisant en sorte d'y trouver un peu de tout à chaque fois : tomate, fromage et jambon cru... La conversation continue entre nos bouchées gourmandes, traçant notre chemin vers des jours plus verts et plus doux.
- Pendant que j'y suis, avez-vous un jus de fruits s'il vous plaît ? Oui c'est parfait, merci mademoiselle.
On parle aussi de nos deux voisines, à deux mètres de nous, qui déjeunent l'une en face de l'autre. La première, jolie brune filiforme en ballerines à paillettes, tape un message de ses doigts de mutantes. Ils sont si rapides que j'en distingue à peine les contours. La tête baissée vers sa greffe technologique, elle se concentre tellement qu'elle n'entendra sûrement pas ce que lui dit sa voisine de salade composée.
Sa collègue, jolie blonde filiforme en ballerines sans paillettes cette fois, tape un message de ses doigts de mutantes (non ce n'est pas un mauvais copier-coller que vous lisez mais cette scène ressemble à un reflet dans le miroir, à quelques détails près). La tête baissée vers sa greffe technologique, elle se concentre tellement elle aussi qu'elle n'entendra sûrement pas ce que lui dit sa voisine de salade composée.
Le tableau a duré 10 bonnes minutes, le temps que les feuilles de frisée arrivent à leur table. Pas un mot échangé en dix minutes. Pas un regard. Pas un geste vers l'autre. Chacune dans son monde, connectée au grand Univers avec un grand U. Avec ces autres qui sont loin et de qui on veut se rapprocher pour se sentir entouré, aimé. A tout prix. Au prix de toujours vouloir voir ailleurs si on y est. A force d'aller voir si l'herbe est plus verte ailleurs, on en oublie d'entretenir la sienne...
Je suis heureux d'avoir passé ce déjeuner avec ma chère et tendre comme on dit (et elle l'est, chère et tendre à me yeux). Petite caresse et tendre baiser avant de repartir au travail ont ajouté deux petits bonheurs dans cette journée au moral dans les chaussettes au départ. Oh bien sûr on a regardé ensemble une carte de Lyon sur Internet grâce à son tout dernier joujou de geek. Mais on l'a fait ensemble, l'un avec l'autre. L'autisme ne nous a pas touché. Le contact et la chaleur ne nous ont pas fait défaut. Cet outil de communication n'a pas dépassé ses attributions, même si bien souvent les messages de textes remplacent désormais les appels téléphoniques, qui avaient déjà supplanté les rencontres physiques...
J'espère au moins que les deux belles n'envoyaient pas de sms... chacune à l'autre ! Les Nouvelles technologies de l'Information et de la Communication vont-elles tuer la communication ? Je crois qu'elles vont au moins donner l'occasion à tous ceux qui n'ont plus rien à se dire de faire semblant que tout était comme avant...
Ou alors est-ce une technique préliminaire avant de se rencontrer ? De se voir vraiment ? Car comment passer outre le contact physique dans toute communication et interaction ??? C'est ce que nous avions fait avec ma Steph : plein de petits SMS avant un grand YES !